Le générateur à roues phoniques - L'âme du son Hammond
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Le générateur à roues phoniques - L'âme du son Hammond
NOUS AVONS LE PLAISIR DE VOUS PRÉSENTER UN NOUVEL ARTICLE ÉCRIT PAR STÉPHANE BREDEL, ANCIEN RÉDACTEUR DES BULLETINS DE L'ASSOCIATION TRIBUTE TO HAMMOND, QUI A EU LA GENTILLESSE DE NOUS DONNER L'AUTORISATION DE PARTAGER CELUI-CI.
Nous allons tenter de décrire ce qu'est un générateur à roues phoniques. Comme le sujet est indissociable du fonctionnement des tirettes, et qu'il ne serait pas opportun de mener de front deux sujets majeurs, nous vous demandons de bien vouloir accepter que pour fonctionner, un orgue Hammond a besoin d'un nombre de fréquences compris entre 86 et 96 (suivant les modèles) pour couvrir les claviers et le pédalier.
Principe de fonctionnement d'une roue phonique
Une roue phonique est une roue dentée en métal, comportant sur son pourtour des dents usinées et réparties très précisément. La roue tourne devant un capteur constitué d'un aimant permanent et d'une bobine.
Chaque dent qui passe fait varier le champ magnétique de l'aimant, et donc induit une petite tension dans la bobine. La fréquence de cette tension est fonction du nombre de dents et de la vitesse de rotation. Ainsi, si 440 dents passent par seconde devant le capteur (soit 440 Hz), on obtient un LA 440. La vitesse de rotation du moteur synchrone étant fixe, il faut jouer avec les rapports d'engrenages et le nombre de dents pour couvrir l'ensemble des fréquences nécessaires des claviers et du pédalier.
L'usinage de la forme des dents est optimisée pour obtenir une tension sinusoïdale la plus pure possible. Mais cela ne suffit pas, et chaque tension doit être filtrée par des condensateurs et/ou des selfs de lissage avant d'être exploitée par le préamplificateur.
La conception
Pour des raisons de coût et d'industrialisation en vue d'une production en série, il était impensable de concevoir 96 roues phoniques différentes et autant de rapport d'engrenages. Il a donc fallu en rationnaliser la conception, en considérant tout simplement la logique de répartition des notes sur un clavier de piano.
Une octave, c'est 12 notes. La différence entre un LA d'une octave et celui de l'octave supérieure, c'est que le deuxième est le double du premier. Par exemple, le LA 440 est le double du LA 220. Ceci est à peu près vrai pour toutes les notes sur l'ensemble des octaves (en fait, pas tout à fait, car le clavier est tempéré. Mais simplifions, et considérons que c'est vrai).
À partir de ce postulat, Laurens Hammond conçoit ses générateurs de la façon suivante : pour une octave donnée, on a le même nombre de dents pour chacune des 12 roues phoniques, mais 12 rapports d'engrenages différents. Pour l'octave suivante, on garde les mêmes rapports d'engrenages respectivement, mais on double le nombre de dents des roues phoniques. Ainsi, si on obtient un LA 220 avec une roue phonique à 16 dents et un rapport d'engrenage i, alors le LA 440 est obtenu avec le même rapport i, mais avec une roue phonique de 16 x 2 = 32 dents, pour passer logiquement de 220 à 440 Hz.
Par construction, la 1ère octave (tirette 16') est obtenue avec des roues phoniques de 2 dents (difficiles de faire moins !), puis l'octave suivante avec des roues phoniques de 4 dents, puis 8 dents, puis 16 dents, puis 32, 64, 128 et 256 dents, soit au total 8 groupes de 12 roues phoniques. Donc 8 x 12 = 96 roues phoniques.
Une roue phonique à un diamètre de 2' env. (50 mm). La couleur orange correspond à une couche protectrice contre l'oxydation
96 roues, cela correspond au générateur des H-100, X-77 et E-100 sortis au milieu des années 60. Mais le fait est qu'en 1935, Hammond était incapable d'usiner avec assez de précision des roues phoniques de 256 dents. Il dût donc se résigner à sélectionner des roues phoniques de 192 dents pour la dernière octave. En combinant ces 192 dents avec des rapports d'engrenages existants, il n'était en fait pas possible d'aller au delà du FA# de l'avant dernière octave avec la tirette de 1'. Il manque donc 5 fréquences pour couvrir cette octave. Pour y parvenir, Hammond aura recours à l'astuce des foldbacks (reprise de fréquences plus graves). Quant à notre générateur, il comporte donc 96 - 5 = 91 roues phoniques. Ce générateur de 91 roues phoniques équipera tous les B-3, C-3, RT-3, D-100 et A-100.
L'architecture
Les roues sont regroupées deux par deux, en tandem. Chaque tandem est équipé d'une seule roue dentée menée, en bakélite. Cette dernière est entrainée en rotation par un pignon en bronze situé sur la ligne d'arbres principale du moteur synchrone. Les deux roues phoniques d'un tandem tournent à la même vitesse, et produisent donc la même nature de note (par ex. LA), mais à des hauteurs différentes puisque le nombre de dents n'est pas le même. Chaque pignon en bronze entraîne deux tandems, soit au total quatre roues phoniques. Par extension, on a finalement des ensembles de 4 roues phoniques (2 x 2 tandems), et les roues de chaque ensemble tournent à la même vitesse. Mieux, chaque ensemble produit 4 fréquences différentes d'une même nature de note. On a donc une ligne d'arbres menante, entraînée directement par le moteur synchrone, quicomporte 24 pignons en bronze, et deux lignes d'arbres menées, chacune comprenant 24 tandems de roues phoniques. Pour filtrer mécaniquement les fréquences parasites du moteur, la ligne principale est sectionnée en plusieurs tronçons reliés entre eux par des ressorts mécaniques. Ainsi, la rotation des roues est parfaite. Tous les arbres sont montés sur paliers lisses en bronze, et lubrifiés par capillarité au moyen d'un réseau de fins fils de cotons.
Générateur à 91 roues phoniques. Notez le regroupement des fréquences par nature de note
Des roues factices...
Sur les générateurs qui ont moins de 96 roues phoniques, certains tandems sont équipés d'une roue factice qui n'est présente que pour assurer l'équilibrage mécanique de l'ensemble. Par exemple, un générateur de B-3 comporte 91 roues phoniques et 5 roues factices.
Tandem comportant une roue factice
... et des embrayages !
On notera que la roue dentée de chaque tandem transmet le mouvement de rotation au moyen d'un ressort cylindrique de torsion. Ainsi, si d'aventure un capteur venait à toucher malencontreusement une roue phonique, alors le ressort servirait d'embrayage en désolidarisant la roue en bakélite des roues phoniques. Donc, même avec une ou plusieurs roues bloquées, le générateur peut continuer de tourner librement. Bien sûr, deux fréquences (ou plus) sont manquantes, mais la mécanique est préservée sans aucune casse. Chapeau Monsieur Hammond, cette astuce a certainement évité à bon nombre d'organistes d'avoir à dépenser une fortune en réparation !
Le cas des spinets
Voir l'article consacré ici
Les premiers spinets Hammond fabriqués sont les modèles M/M-2/M-3, dont les claviers ne comportent que 44 notes (trois octaves et demi, FA - DO) et le pédalier 12 notes (DO - SI). Toujours dans une logique de rationalisation industrielle, on démontre facilement que 5 roues phoniques sont inutilisées. Hammond les supprime donc, et les remplace là encore par des roues factices. Ces spinets ont donc un générateur à 91 - 5 = 86 roues phoniques.
Puis avec l'apparition des M-100 et L-100, le pédalier passe de 12 à 13 notes (DO - DO). Logiquement, leur générateur passe donc de 86 à 87 roues phoniques. Contrairement à ce que l'on peut lire parfois, il n'y a aucune différence de qualité entre un générateur d'un orgue de type console (B-3, A-100, H-100 etc.) et celui d'un orgue de type spinet (M-100, T-100, L-100 etc.)
En résumé
Un générateur à roues phoniques, c'est :
• un moteur synchrone qui entraine une ligne d'arbres menante, constitués de plusieurs tronçons reliés entre eux par des ressorts d'accouplement
• sur cette ligne d'arbres, on trouve 24 pignons en bronze. Chaque pignon engrène avec 2 roues dentées en bakélite, soit au total 48 roues en bakélite réparties sur deux lignes d'arbres ménées
• chaque roue en bakélite entraîne en rotation un tandem de deux roues phoniques. Puisqu'il y a 48 roues en bakélite, il y a donc 96 roues phoniques
• pour des raisons techniques et historiques, les générateurs comportent 86, 87, 91 ou 96 roues phoniques, et 10, 9, 5 ou 0 roues factices (d'équilibrage), soit au total toujours 96 roues
• un capteur constitué d'un aimant permanent et d'une bobine est localisé très près devant chaque roue phonique. Le passage à vitesse constante des dents de celle-ci va générer une tension sinusoïdale, et donc une fréquence
• la liaison entre la roue en bakélite et les deux roues phoniques du tandem est assurée par un ressort "embrayage". Ainsi, si un capteur venait à toucher une roue phonique, le ressort désaccouplerait le tandem de la roue en bakélite, et l'ensemble du générateur peut continuer à tourner sans casse
• on trouve une kyrielle de condensateurs et selfs de lissage sur le générateur dont le rôle est de filtrer les signaux obtenus avant d'être traités ensuite par le préamplificateur.
Ensuite, toutes ces fréquences seront mélangées au gré de l'organiste grâce à l'usage des tirettes. Mais ceci est un autre sujet qui sera développé ultérieurement. Pour bien comprendre le principe du générateur, nous vous conseillons d'utiliser uniquement la tirette de 16', puis 8', puis 1', et de parcourir le clavier.
En guise de conclusion
Conception rationnelle et intelligente, fiabilité, silencieux, accordage inutile, maintenance réduite, et surtout une sonorité extraordinaire, le générateur à roues phoniques est bien ce qui constitue "l'âme" du son Hammond ! Concevoir et produire un tel condensé de technologie pendant près de 40 ans, sans aucune modification notable, prouve à quel point la firme Hammond avait réalisé là un orgue unique, qui allait connaître un succès remarquable et mérité. Plusieurs décennies après leur fabrication, ce sont des dizaines de milliers de générateurs qui tournent encore dans le monde entier, et qui tourneront pour des décennies encore. Le son Hammond est devenu une référence au même titre qu'un Steinway, un Selmer ou une Gibson. Cette réputation est largement due à de petites roues dentées qui tournent inlassablement pour nous délivrer leurs fréquences tant adulées !
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